CORTOII en liberté

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30 juillet 2004

Extrait journal de bord 1 an après



1 juillet 2004 - Isla Utila / Honduras
Météo : Chaud et ensoleillé. Vent 10 à 15 noeuds généralement Est.
Il y a exactement 1 an, Pérouges et moi quittions Montréal, Longueuil plus exactement pour 1 an de voyage. Nous étions accompagnés de mes amis qui m'aideraient un court instant à apprivoiser ce vaisseau dont je n'avais pris connaissance que 2 mois auparavant.
Un an et plusieurs milliers de milles marins plus loin, l'heure des bilans ? Surement. Mais je n'en ai pas envie. Je n'en ressens pas le besoin. Le voyage a un peu infléchi sa course et ma tête fourmille encore de projets et d'envies. Mes yeux regardent trop l'avenir pour hasarder un oeil par dessus mon épaule.
Cela s'est passé si vite. Que d'apprentissage! Au singulier car c'est un seul grand apprentissage, celui d'une nouvelle vie.
Suis-je fier? non, pas vraiment. J'avais cette certitude en partant de me retrouver ici, ou je suis, 1 an plus tard ou moins.
Il y a encore tant de choses à faire, à voir, à dire, à sentir.
J'ai essayé de faire partager ce voyage et cette nouvelle passion ou peut-être tout simplement ce nouveau mode de vie et de déplacement au travers de mon journal de bord. En lisant ces lignes au jour le jour, vous avez découvert (J'espère!) que le bateau est un monde en soi et bien plus qu'un mode de déplacement en fait. C'est la totalité de nous-même, fragile, que nous présentons aux éléments, à nos visiteurs, aux plages, aux villes et villages que nous effleurons. Cette précarité nous rend attentif à une foultitude de détails auxquels nous ne prêtions plus attention. Ces détails relèvent plus du comportement. Loin de tout, et surtout loin de la quincaillerie la plus proche, le moindre accroc, le moindre heurt, la moindre pièce endommagée devient presque irrémédiable. L'utilisation de l'eau n'est plus un geste banal mais la continuation d'une gestion presque rigoureuse et présente dans nos esprits à chaque moment. L'insecte qui va élire domicile sur le bateau a trouvé le moyen d'y entrer, mais il y a peu de chance que nous lui offrions le moyen d'en ressortir (facilement), alors que dans une maison, l'accumulation de produits insecticide va l'inciter à aller chez le voisin. Le soleil et la mer qui sont synonymes de vacance, de bronzage, de détente, se révèlent des ennemis implacables qui corrodent et dessèchent tout ce qui n'est pas protégé ni entretenu. Tout ce qui peut éventuellement se détériorer va casser. C'est une certitude. Le bateau doit être construit comme du ferroviaire et mené du bout des doigts. Loin des supermarchés hyper approvisionnés, nous redécouvrons l'approvisionnement en produits frais de saison. nous réapprenons la pénurie parfois.
J'ai eu beaucoup de chance avec Pérouges d'avoir un bateau solide, bien préparé et bien entretenu. Car qu'est-ce que j'y connaissait quand je l'ai acheté!?
En ville, nous rencontrons nos voisins. Ils sont un peu à notre image puisqu'ils habitent le même quartier, donc ils ont un peu les mêmes envies, les mêmes moyens, le même profil. Nous rencontrons ceux avec qui nous partageons la vie. En bateau, c'est un peu le même phénomène puisque nous transportons notre chez nous. C'est finalement un environnement assez fort et réconfortant. Nous pouvons par exemple, passer une journée de pluie complète, à l'abri, rassuré, en sachant que c'est chez nous. Nous rencontrons les personnes qui ont le même profil. Ils ont donc un bateau. Rencontrer ne signifie pas juste dire bonjour et s'en aller, mais échanger, communiquer, partager, et pour cela, il faut qu'il y ait des sujets, des envies. Les populations rencontrées jusqu'à présent nous considèrent comme des clients, parfois comme de généreux donateurs. Finalement, c'est un peu normal. Après avoir dit bonjour, nous retournons chez nous. Nous ne restons pas chez eux. J'avais envisagé au tout début de voyager en moto, justement pour éviter cela. Pour présenter une fragilité, pour s'immerger. Cela aurait-il été différent? Il y a surement un lien entre le temps et la rencontre. Il est difficile de rencontrer lorsque l'on est de passage. C'est au dela de la différence de culture.
Lorsque nous serons dans le Rio Dulce pour quelques mois, c'est justement vers cette découverte que nous nous orienterons. Cela va certainement ressembler à notre vie en République Dominicaine, mais à ce moment, dans cette petite communauté de Luperon, les contacts établis étaient encore rares et beaucoup avec nos voisins... qui étaient en bateau.
Le journal de bord de Pérouges va s'arrêter au moment ou les instants privilégiés du voyage deviendront... la vie.

Isla Utila (Honduras)
LATITUDE: 15-58.11N
LONGITUDE: 086-28.82W